Un élève différent

Point de vue de Jin

La cloche sonne, c’est l’heure de la pause. Je vois tous mes élèves sortirent précipitamment comme si il y avait le feu dans la salle tellement ils étaient pressés de quitter le cours. Je soupire, ces jeunes ne se rendent vraiment pas compte de leur impolitesse, je n’avais pas fini mon explication. Je suppose que je n’ai décidément pas assez d’autorité.

Je balaye la classe des yeux, me remémorant comment je me comportais à leur âge et je souris en constatant que je faisais exactement la même chose qu’eux.

Dans mon inspection de la salle, je remarque une feuille au sol. Ces gamins sont vraiment négligeant, ils se plaindront après de ne pas réussir leurs examens mais c’est pas en marchant sur leurs feuilles de cours qu’ils vont apprendre leurs leçons. Je m’approche donc de la feuille et la ramasse en fronçant les sourcils. Ce n’est pas un cours, il y a des ratures partout et l’écriture est dure à déchiffrer mais j’y lis quand même les paroles d’une chanson :

Ecole Wrong

Société Wrong

Parent Wrong

Enseignant Wrong

Victime Wrong

Coupable Wrong

Spectateur Maybe

le « complexe du bon garçon »
c’était ma maladie
(j’étais toujours gentil avec tout le monde)
c’était ma maladie
ils allaient raconter de la merde dans mon dos,
mais faisaient les gentils devant moi
j’ai fait semblant de ne pas remarquer
que l’école était un champ de bataille
peut-être que c’était mon propre combat
Dans ce ring qu’était l’école.
Aucun n’y aurait prêté attention
comme si c’était quelque chose dont on ne devrait pas se
soucier

Oh je ne m’en soucies pas, mais c’est une chose
que seuls les adultes arrivent à faire avec facilité
ni coupables, ni victimes,
c’est un endroit où
nous sommes transformés en spectateurs.
Même si vous me pointez du doigt
et me traitez de lâche ça me va
mais comment définirez-vous cela?
Vous savez que je ne peux pas vous filer un coup de main.
Si je le faisais, je finirais comme vous.
Ne soyez pas aveuglé par la justice, le héros est mort,
c’est la réalité, la seule façon de survivre,
il n’y a pas d’autres options.

C’est un ring que l’on appelle classe,
c’est un stade sans arbitre, où il n’y a qu’un public
Tu sais, il n’y aura jamais de vainqueur,
tout le monde perdra.
Il n’y aura jamais de vainqueur, tout le monde perdra

Ces paroles sont plutôt inquiétantes, elles relatent un harcèlement scolaire quand même donc je m’inquiète. Quel est l’élève qui a écrit ses paroles fort bien écrites en passant. Déformation professionnelle d’un professeur de coréen, désolé, je me sens toujours obligé d’analyser les textes que je lis et celui-là est très bien écrit, aucune faute de syntaxe. Cet élève est doué. Mais ce n’est pas le moment de parler écriture, mon élève va mal. Je dois découvrir qui est l’auteur de cette chanson et l’aider pour que sa scolarité se passe au mieux. La pression scolaire est déjà assez importante sans y ajouter des problèmes de harcèlement.

Juste au moment où je me fais toutes ses réflexions, un élève rentre dans la classe et fonce vers moi m’arrachant presque la feuille des mains sans un mot. Il tente de repartir mais je le retiens. Il est grand, les cheveux teints en blond, la peau halée. Namjoon se retourne vers moi avec un regard assassin :

– Quoi ? Demanda-t-il de sa voix grave avec un ton agressif

– Déjà tu vas calmer le ton de ta voix quand tu t’adresses à ton professeur ! Ensuite, j’aimerais que l’on parle de cette chanson tous les deux.

– Je n’ai rien à vous dire. Rétorqua l’élève mais sur un ton plus respectueux.

– Ecoute Namjoon, je comprends que ça puisse être dur d’en parler mais si tu ne dis rien, je ne peux pas t’aider. Cette chanson traduit ton mal-être, un peu comme un SOS. J’ai vu cet SOS alors maintenant laisse-moi t’aider, s’il te plaît.

– Je n’ai pas besoin de votre aide, ce n’était pas un SOS alors laissez tomber. C’est pas comme si vous pouviez faire quoi que ce soit de toute façon.

Après m’avoir jeté cette réponse abrupte, Namjoon quitta la pièce à la vitesse de la lumière. Je le regardais partir en soupirant mais je n’allais pas abandonner maintenant. Je vais aider Namjoon qu’il soit d’accord ou non, c’est mon métier après tout. C’est pour pouvoir aider mes élèves que j’ai choisi de devenir professeur alors il ferait bien de l’accepter.

Point de vue extérieur

De son côté, Namjoon fulminait, sa chanson ne devait pas être découverte, encore moins maintenant alors qu’elle n’était pas terminée. Il détestait montrer son travail inachevé. Son unique ami Suga était le seul à voir le travail de Namjoon et uniquement quand la chanson est complète avec l’instru et tout.

Maintenant que le professeur Kim avait lu le premier couplet, il n’allait plus le lâcher. Il allait devoir se faire discret. Il considéra un instant l’idée de sécher la deuxième heure de cours de coréen mais se ravisa en pensant au sermon que ses parents ne manqueraient pas de lui servir le soir même. Il allait juste éviter son prof pendant un moment et espérer que ce dernier oubliera vite.

Malheureusement pour Namjoon, ça ne se passa pas exactement comme il l’avait prévu. Il se rendit à sa deuxième heure de coréen à la fin de la pause et le professeur Kim exigea qu’il l’attende à la fin du cours. Namjoon fut obligé de répondre qu’il attendrait mais dans sa tête, il été évidemment hors de question d’attendre qui que ce soit, il dirait plus tard qu’il avait oublié. C’est ce qu’il s’était dit, mais Seokjin avait prévu le coup et fit sortir ses élèves 10 minutes avant la fin du cours tout en rappelant à Namjoon de ne pas ranger son sac tout de suite.

L’élève bien qu’ennuyé par la tournure que prenait la situation, obtempéra.

Point de vue de Namjoon

Tous les élèves avaient maintenant quitté la classe, il ne restait plus que moi et mon prof un peu trop curieux à mon goût. Il s’approcha et s’assis sur la table en face de moi. C’est pas comme si les chaises avaient une utilité particulière n’est-ce pas ?

– Je vous ai déjà dit que je veux pas de votre aide. Ne vous mêlez pas de ma vie s’il vous plaît.

Autant être clair d’entrée de jeu, si je veux que cette conversation ne dure pas trop longtemps. Au lieu de me répondre, il me sourit de toutes ses dents. Un sourire vraiment mignon mais pas du tout adapté au contexte. Je sens le coup foireux arriver à dix mille kilomètre.

– J’ai bien compris que tu ne veux pas de mon aide. Je suis un professeur inutile. C’est bien ce que tu voulais dire par  » Ce n’était pas un SOS alors laissez tomber. C’est pas comme si vous pouviez faire quoi que ce soit de toute façon », n’est-ce pas ?

J’y crois pas, ce mec m’a ressorti les mots exacts que je lui ai dit il y a plus d’une heure? Il va pas me lâcher celui-là. Je fronçai les sourcils mais ne répondit rien, si ça lui fait plaisir de se croire inutile je vais pas le contredire. Et puis, j’avais raison, il ne peut pas m’aider, il n’a pas le pouvoir de faire quoi que ce soit pour moi.

– Même si je suis un professeur inutile, j’aimerais que tu puisses te confier à moi. Je comprends que tu ne veuilles rien me dire maintenant mais tu peux toujours m’en parler plus tard. C’est une offre sans date de péremption. Termina-t-il avec son immense sourire.

Je le regardai du coin de l’œil :

– Vous avez des métaphores pourries pour un prof de coréen.

Il perdit son sourire et fronça les sourcils. Puis il gonfla les joues en croisant les bras sur son torse comme un enfant qui boude. Trop mignon voilà ma pensée sur le coup sauf que non, il y a pas de trop mignon qui tienne. C’est mon prof, un prof relou qui se mêle de ce qui ne le regarde pas en prime. Je ne dois surtout pas commencer à le trouver mignon, c’est un adulte merde pourquoi il vieillit pas comme tout le monde, pourquoi il reste beau, il me déconcentre avec son visage d’ange là !

Merde, mes pensées vont trop loin. Il faut que je me sorte de là avant de faire une connerie.

– Ok, si je change d’avis et que je ressens le besoin de blablater, promis je viendrais vous voir. Content ? Maintenant, il faut que j’y aille, au revoir.

Il parut surpris sur le coup, mais retrouva très vite son sourire et me salua frénétiquement de la main. C’est vraiment un prof ce mec ? Enfin, je veux dire, il a à peine 22 ans, il a un visage très agréable à regarder, il a l’air plutôt bien bâti aussi, toutes les filles sont à fond sur lui, il reçoit des lettres rose presque tous les jours et là il se comporte comme un gamin. Il m’a fait coucou, sérieux ! J’ai un prof trop curieux, boudeur, qui fait coucou et qui est plus beau qu’un dieu grec. Est-ce vraiment sérieux comme situation ?!

Je m’enfuis donc de la salle de classe en un temps record. Il faut que je m’éloigne de ce gars au comportement étrange, mon cerveau pense des trucs bizarres quand il est là.

Il est temps de rentrer chez moi et de se vautrer sur le canapé devant une émission débile avec un bol de popcorn.

Mon programme est simple mais visiblement, c’est pas ma journée. Pourquoi à peine arrivé chez moi, ma mère se sent dans l’obligation de gueuler ?

– NAMJOON ? Rejoins-moi dans la cuisine s’il te plaît !

Qu’est-ce qu’elle fout dans la cuisine celle-là ? Il est que17h.

– J’arrive, soupirais-je en enlevant ma veste. Qu’est-ce qui se passe ? D’habitude tu rentres plus tard du boulot.

Je m’avance vers la cuisine d’un pas trainant et vois ma mère boire son thé assise à la table de la cuisine. Elle me sourit et me tend les bras comme pour réclamer un câlin. Là, il y a vraiment un truc grave ! Ma mère fait pas de câlin et elle rentre jamais du boulot avant au moins 20h.

– Qu’est-ce que t’as ? Demandais-je perplexe en regardant ses bras toujours tendus vers moi.

Elle voit que je vais pas la prendre dans mes bras donc elle baisse les siens avec un petit sourire contrit. Elle tapote ensuite la chaise près d’elle pour me dire de m’asseoir. Je fronce les sourcils pour lui faire comprendre qu’elle est vraiment chelou aujourd’hui puis je m’assoie en face d’elle.

– Nam, ton prof m’a appelé … Commença ma mère avec un visage sérieux. Je sers les poings, connard de prof qui peut pas s’occuper de son cul, il est rapide en plus pour s’occuper des affaires des autres !

– Te monte pas le cerveau ‘man, il s’est rien passé à l’école. Après lui avoir dit ça, je me lève pour rejoindre ma chambre mais c’était pas le bon timing.

– Rassieds toi Namjoon ! On t’a déjà changé de lycée à cause de cette histoire de harcèlement. Il paraît que les gosses ne veulent rien dire quand ils subissent ce genre de chose. Je suis pas la mère idéale, je le sais mais ça n’empêche pas que je m’inquiète pour toi. Tu es mon fils unique après tout. Alors si il se repasse quelque chose comme dans ton ancien lycée, tu dois me le dire.

– Maman, je suis sérieux, il s’est rien passé. Tout va très bien donc ignore juste ce que ce prof a pu te dire.

– Il paraît que tu ne t’es pas fait d’ami dans ce lycée, tu es sur qu’il n’y a rien ? Tu as toujours été un enfant sociable pourtant. Je ne veux pas prendre ce problème à la légère. J’ai déjà fait cette erreur l’an dernier donc il faut que tu me parles. Namjoon, je ne peux pas t’aider si tu ne me dis rien.

– Je ne te dis rien parce qu’il n’y a rien à dire ! Je n’ai pas d’ami parce que je n’en veux pas. Je n’ai pas besoin de personnes hypocrites qui me souriront puis me cracheront dessus dès que j’aurais le dos tourné. Je n’ai pas besoin d’eux, je veux juste que les gens me foutent la paix et ça inclus ce prof. Il n’a qu’à se mêler de ce qui le concerne. Je n’ai aucun problème dans ce nouveau lycée alors laisse tomber s’il te plaît.

– Très bien. Je voulais m’en assurer, c’est tout. Je sais que tu es un grand garçon maintenant et que tu sais te défendre tout seul mais je ne veux pas faire partie de ses parents mal chanceux qui se rendent compte trop tard des problèmes de leur enfant. Si tu as besoin de quelque chose dit le moi même si je suis au boulot, ok ?

Je hochai la tête et elle me fit un sourire satisfait. Je quittai alors la cuisine pour rejoindre ma chambre. Finalement, je vais jouer à FIFA aujourd’hui. J’ai pas envie d’entendre mon père répéter le discours de ma mère.

Mardi matin, encore une nouvelle journée de cours où je vais rester seul au fond de la classe à écouter vaguement les cours et à lancer des regards noirs à toute personne souhaitant me parler. Je soupire et me lève de mon lit. Je ne veux pas aller en cours, l’école est le pire lieu au monde pour moi. Je ne veux pas y aller et honnêtement je n’en ai pas besoin. Les profs disent de moi que je suis un génie, j’apprends plus vite que les autres, je réussis dans toutes les matières. Je n’ai pas besoin d’eux, les livres me suffisent mais je suis tout de même obligé de me lever chaque matin pour me mélanger à la masse d’élèves persuadés que leur dossier scolaire est la clé de leur avenir.

Je me motivais un peu puis me leva pour me préparer. Aujourd’hui, je ne dois pas arriver en retard comme je le fais tous les jours. Si j’arrive en retard, je donnerai une excuse au prof de coréen pour venir me parler donc je vais faire profil bas le temps qu’il m’oublie un peu.

J’arrivais pile à l’heure et je vis le prof de maths s’installer juste après que je sois entré dans la salle. Je m’installais silencieusement comme toujours et sorti mon cahier dans lequel je n’écrivais jamais aucun cours. Je ressorti ensuite la chanson inachevée que le prof de coréen avait lu hier. Je me demandais brièvement ce qu’il avait pu en penser mais rejeta très vite cette interrogation loin dans mon cerveau.

Le cours passa plus vite que d’habitude pour la bonne et simple raison que je n’avais aucune envie de passer au cours suivant. Nous avions coréen et je n’étais vraiment pas pressé d’y être et c’est bien pour ça que le temps me paraissait plus court tout à l’heure.

Je regardais le prof de maths partir et être remplacé par monsieur Kim toujours impeccablement habillé, le sourire aux lèvres, l’air motivé.

Le prof commença son cours sur la littérature sous l’ère Joseon (1392-1592), les autres avaient l’air de boire ses paroles tandis que je me mis à regarder par la fenêtre comme à mon habitude. Les cours ne m’intéressent pas, je n’en ai pas besoin pour apprendre et puis honnêtement la littérature d’une époque où nous avions à peine notre propre écriture ne me servira à rien plus tard donc autant faire autre chose non ?

Regarder les oiseaux m’ennuya assez vite et je cherchais une autre distraction. Je trouvais mon bonheur en la personne de notre cher professeur. Les filles ont raison, il est très agréable à la vue avec ses cheveux brun et brillants, sa peau blanche sans imperfection, son visage fin, ses épaules larges et son corps finement musclé que l’on devine sous ses vêtements. Je passais donc le reste de l’heure à le mater purement et simplement juste pour le plaisir des yeux. Je le trouvais juste immensément beau avec ses gestes élégants, sa voix douce mais assurée. La passion qu’il ressentait pour sa matière transparaissait, c’est comme si parler littérature illuminait son regard d’une étincelle, l’embellissant encore plus.

Pour une fois, le cours passa vite, ce prof se révèla être en fait une incroyable distraction à son propre cours. Mais maintenant, je n’ai plus qu’à espérer qu’il partira sans insister sur mon cas comme il l’avait fait la veille.

Il me regarda avec insistance quand la cloche sonna mais ne fit aucune remarque ni aucun geste vers moi. Je respirai un bon coup et il sortit de la classe, laissant la place à un autre prof au cours inintéressant.

La journée se déroula calmement comme chaque jour, je restais seul, des filles me regardaient en gloussant niaisement, des gars parlaient dans mon dos répandant de fausses rumeurs en extrapolant sur la raison de mon comportement antisocial. Je passais devant eux sans me retourner, sans écouter les conneries qui franchissaient constamment la barrière de leurs lèvres.

Ce soir nous devons tous retourner en classe pour parler avec le prof de coréen.

Je me rendis à la salle de cours réservée à ma classe en priant pour que le discours du prof ne soit pas trop long et que je puisse enfin quitter cet endroit qui me rebute tant.

J’entrais et m’installa à une table du fond, le prof est déjà là avec son éternel sourire. Il doit avoir mal aux joues d’ailleurs à force de sourire comme ça toute la journée.

Les retardataires s’installèrent et le prof saisit un paquet de feuilles.

– Bien comme vous le savez tous, le mercredi après-midi est réservé aux révisions, ce sont des heures obligatoires où il n’y a aucun cours en particuliers et que vous devez utiliser pour finir vos devoirs et perfectionner vos connaissances. J’ai donc relu pendant la pause de midi toutes vos fiches et j’ai constitué des groupes de travail en fonction des lacunes de chacun. Vous ne pouvez pas changer de groupe sauf si vos notes augmentent dans les matières où vous étiez les moins bons. J’espère que vous travaillerez tous en donnant le meilleur de vous-même et si vous avez le moindre problème n’hésitez pas à venir me voir, d’accord ?

Les élèves acquiescèrent et le prof continua son petit discours.

– Les groupes sont divisés en fonction des points forts et des points faibles de chacun, n’y voyez pas de jugement de valeur, je vous ai répartit de manière à ce que vous puissiez vous entre-aider comme ça vous apprendrez à travailler en équipe en même temps.

Il énonça ensuite les noms, répartissant chacun dans le groupe qui lui était assigné. Mon nom ne fût pas cité. Le prof me regarda quelques secondes sans rien dire puis me demanda de rester un peu plus longtemps ce qui me fit grimacer.

Les autres sortirent un peu trop lentement à mon goût et je m’approchai du bureau du prof une fois que nous fûmes seuls.

– Je voulais te parler car j’ai remarqué que tu ne t’intéressais pas beaucoup au cours tout à l’heure. Les autres professeurs disent que tu es brillant mais que tu ne parles à personne ? Tu ne participes pas non plus en classe. J’aimerais comprendre pourquoi tu t’isoles autant des autres. Est-ce qu’il y a un problème avec les autres élèves ? Ou alors il y a eu un problème dans ton ancien lycée ? Demanda-t-il avec une mine concernée qui ne me plut pas des masses. Je n’aime pas qu’on se mêle de ma vie, que l’on me pose des questions.

Je soupirai discrètement devant la mine curieuse et un peu inquiète du prof.

– Vous avez pas besoin de vous inquiéter pour moi, il y a aucun problème. J’ai juste des facilités en cours donc je m’ennuie un peu c’est tout. Répondis-je rapidement pour ne pas l’inquiéter. Le pire c’est qu’il a vu juste, il y avait des problèmes dans mon ancien lycée, des problèmes que tout le monde a préféré ignorer même moi pendant un certain temps.

– D’accord pour les cours, je peux comprendre mais pour les autres élèves ? Pourquoi rester tout seul comme ça ?

– Je n’aime pas la compagnie des autres, je suis très bien seul. Mentis-je.

En vérité, je me sens horriblement seul mais la solitude est moins blessante que l’hypocrisie et les coups dans le dos de nos soi-disant amis. Je vis le prof froncer les sourcils à ma réponse mais il finit par hocher la tête. Il me laisse tranquille pour cette fois. Je pu partir et rentrer chez moi.

Comme chaque jour, je rentrai dans une grande maison vide. Mes parents sont avocats d’affaires, ils gagnent très bien leur vie mais ils ne sont jamais à la maison. J’ai grandi avec une nourrice comme beaucoup de gosses de riche. Au moins, ils font l’effort d’être là pour mon anniversaire et noël, j’ai aussi droit à une semaine complète pendant les vacances d’été. En gros, je vois mes parents une semaine et deux jours dans l’année. Je ne me plains pas, je sais qu’ils m’aiment à leur façon et qu’ils travaillent dur pour que je puisse dépenser leur argent sans compter ensuite. C’est leur façon d’aimer.

Il est 19h, je vais dans la cuisine et réchauffe le plat laissé dans le frigo pour moi par notre femme de ménage qui a pitié de ce pauvre adolescent capable de se nourrir uniquement de ramen pendant des mois. Alors elle me cuisine toujours un truc, ce qui est adorable de sa part.

Je m’installe sur le canapé et allume la télé, une fois que mon plat fut réchauffé par le micro-onde, le meilleur allié de ceux qui ne cuisine pas. Je mangeai en regardant une émission d’idole, ça ne m’intéresse absolument pas mais c’est un très bon bruit de fond pour se sentir moins seul, c’est agréable d’entendre leurs rires et leurs blagues pourries. En regardant un peu plus attentivement l’écran je remarque que toutes ces idoles ressemblent un peu à mon prof ou plutôt que mon prof est tout aussi beau si ce n’est plus que ces gars qui vivent dans la lumière et la célébrité. Oui Kim Seokjin est tout aussi beau qu’eux, il fait le même effet aux filles et il n’a même pas besoin de chanter et danser pour les rendre folles amoureuses de lui. Il lui suffit de son petit sourire d’ange qu’il nous sert toute la journée.

Partant de ce constat, je me mis à penser qu’avec la voix douce qu’il a, il pourrait tout aussi bien chanter, il aurait pu être de l’autre côté de l’écran, il semblait même fait pour ça mais il avait préféré la littérature, c’est elle qui le fait vibrer. Je l’avais remarqué pendant le cours.

Un nouveau jour de cours commence et ma motivation à aller en cours reste désespérément basse même si j’ai bon espoir de m’ennuyer un peu moins que d’habitude grâce à ma nouvelle distraction, Mr Kim.

Je m’installe à ma place au fond de la salle et attends que la cloche sonne, pour une fois je suis en avance. Je regarde les élèves rirent et s’embêter, je me remémore le quotidien que j’avais avec ceux que je considérais comme mes amis dans mon ancien lycée. Un sourire amer se dessine sur mes lèvres quand tous ses souvenirs de leur hypocrisie me reviennent. Je détourne alors les yeux de ces ados faussement innocents. Je sors mon cahier, pas celui où je suis censé écrire mes cours, un autre cahier plus personnel où j’écris ce qui me traverse l’esprit sous forme de chanson, de rap. C’est mon truc, ça me vide l’esprit, ça me libère.

Je reprends le brouillon d’une future chanson sur mon passé dans le lycée que j’ai quitté. Cela fait un mois que j’essaye de refouler ces souvenirs mais ils reviennent sans cesse, l’écrire est mon dernier échappatoire. Je me concentre sur mon écrit en faisant abstraction de tout ce qu’il y a autour jusqu’au moment où un livre apparaît sur ma table. Je lève alors la tête vers l’imbécile qui vient m’interrompre avec le regard noir le plus flippant que j’ai en stock. Le prof Kim se tient devant moi avec son sourire d’ange et mon regard noir n’a pas l’air de le faire réagir plus que ça. Mon regard s’adoucit immédiatement, je vais pas embrouiller le prof alors que je suis censé écouter son cours quand même.

– Je ne sais pas exactement où tu en es dans chaque matière donc il se pourrait que ce livre soit déjà dépassé pour toi mais essaye quand même de t’occuper utilement pendant les cours, d’accord ? Me dit le prof en pointant du doigt le livre qu’il avait déposé sur ma table.

Je regarde avec plus d’attention le livre en question et remarque que c’est un livre universitaire et donc inexistant dans notre bibliothèque scolaire. Je relève les yeux vers mon prof avec un micro-sourire de remerciement. Son sourire s’élargit quand je prends le bouquin en main et que je commence à lire le sommaire. Il retourne devant le tableau et commence son cours pour les autres pendant que je me plonge dans ma lecture, ma chanson attendra un peu.

La journée passe incroyablement vite quand on a enfin quelque chose à faire de plus intéressant que de regarder les oiseaux. J’ai lu à chaque cours sans qu’aucun professeur ne me dise rien sur mon manque de concentration et d’intérêt pour leur cours. Mr Kim a dû dire quelque chose à ses collègues, c’est pas possible autrement, les profs ici sont exigeant et strict. C’est ce qui fait la réputation de l’école. Quand j’en avais marre de lire, je revenais à l’écriture de ma chanson et le temps passa. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais bien à l’école. A la fin de la journée, Mr Kim demanda à me voir et je le rejoignis donc dans son bureau. Je toquai à la porte et attendit son accord avant d’entrée. Je fus accueillit par son sourire habituel et m’installa en face de lui.

– Namjoon je voulais te parler de ton orientation, commença-t-il directement en mettant plusieurs piles de feuilles sur le côté de son bureau.

– Qu’est-ce que vous voulez savoir exactement ? Demandais-je en fronçant les sourcils. Ici, les profs se foutent de ce que tu veux faire plus tard, ils savent que les parents d’élèves ont déjà programmé la vie de leur enfant, il n’y a pas de question à se poser quand nos parents sont riches, le destin est tout tracé. Les héritiers récupèrent les entreprises, les fils d’avocats passent le barrot, les fils de médecins font médecine pour reprendre ensuite la clinique ou devenir à leur tour directeur d’hôpital.

– Tu es extrêmement intelligent Namjoon, tu peux faire le métier que tu veux et tu as déjà tous les acquis scolaire. Les livres universitaires sont tous spécialisés dans des domaines particuliers. Tu dois choisir quelle voie tu veux emprunter pour que je puisse te fournir les livres adaptés, expliqua-t-il.

Je haussai les épaules :

– Mes parents sont avocats donc je suppose qu’ils seraient ravis que vous me trouviez des bouquins de droit. Répondis-je peu intéressé par la question de mon orientation, ma mère a toujours été très clair concernant mon avenir de toute façon.

Je vis le prof froncer les sourcils, visiblement c’était pas la réponse qu’il attendait.

– Namjoon, je ne te demande pas ce que tes parents veulent mais ce que toi, tu veux. Je sais déjà quel métier exercent tes parents, je l’ai lu sur ta fiche de renseignement mais ta vie ne s’arrête pas aux aspirations de tes parents. Tu vis aussi pour toi et toutes les voies te sont grandes ouvertes. Je te conseille de commencer à réfléchir à ce qu’il te plaît, ce que tu aimes faire, à la façon dont tu imagines ton avenir.

– Je sais déjà ce que j’aime et je sais aussi que mon avenir a déjà été choisi donc je n’ai pas de question à me poser.

– Et qu’est-ce que tu aimes exactement ? Namjoon, tu vis ta vie pour toi même, si tu abandonnes ce qui fait vibrer ton cœur se sera toi qui ressentira les regrets d’une vie vécue qu’à moitié pas tes parents, donc penses-y s’il te plaît.

Je rigolai à sa réplique, ce prof est mignon comme un cœur et pleins de bons sentiments mais qu’est-ce qu’il est naïf !

– Et vous pensez sérieusement que ma mère va rester tranquille si je lui dis que je veux bosser dans la musique ?! Elle va juste péter un câble et m’enfermer dans un internat avec une collection complète de livre de droit.

Je le regardai avec un sourire amusé face à son innocence, tandis qu’il me regardait avec effarement suite à ma réponse. Il beugua plusieurs minutes puis secoua la tête en fronçant les sourcils.

– Ce monde est aberrant, commenta-t-il doucement plus pour lui-même que pour moi. Bon ok, je t’apporterai un livre de droit la prochaine fois mais réfléchis quand même un peu, je peux essayer de parler à ta mère si tu veux.

Mes yeux doublèrent de volume après qu’il est énoncé cette idée extrêmement stupide :

– Certainement pas ! Vous êtes suicidaire ou comment ça se passe ? Dire à ma mère « Votre fils veut bosser dans la musique, laissez-le y aller », vous voulez mourir ou quoi ? Vous lui dites un truc dans le genre, elle vous enterre direct, elle a pas le temps elle !

Il sembla très surpris par ma réaction mais le mec se rend pas compte qu’il met sa vie en danger en parlant de truc comme ça avec ma mère. Il finit par soupirer et change de sujet :

– Bref, sinon le livre du jour t’a plu ? Les autres professeurs m’ont dit que tu avais l’air concentré aujourd’hui.

– Ouais, c’était cool. J’ai appris des trucs, le temps passe plus vite donc je vais pas me plaindre.

Ma réponse lui rendit le sourire qu’il avait perdu pendant notre discussion sur mon orientation. On discuta une dizaine de minute des sujets abordés par le livre qu’il m’avait passé puis il me laissa quitter le lycée.

Pour la première fois depuis longtemps, je rentrais de l’école avec le sourire aux lèvres. J’avais passé une bonne journée.

Je me posai sur mon lit en rentrant, un sourire scotché aux lèvres. J’ai l’impression de ressembler à mon prof à sourire comme un forcené mais pour la première fois depuis longtemps, je suis content. Parler avec Mr Kim m’a fait du bien, j’ai ri de son innocence, j’ai pu avoir une conversation complète et pas prise de tête sur un sujet quelconque. Je me suis amusé, j’ai presque eu l’impression d’être normal.

Je passai toute ma soirée à repenser à cette conversation, à mon avenir mais surtout aux journées beaucoup moins chiantes qui m’attendent à partir de maintenant. Ce soir-là, je me suis endormi en étant impatient de vivre ma prochaine journée scolaire.

Le lendemain matin, je me lève de bonne humeur et me prépare en chantonnant. Je sens que ce sera une bonne journée. J’arrive en avance en cours et m’installe à ma place habituelle avec un petit sourire qui choquerai surement mes camarades (ils sont pas encore au courant que je suis capable de sourire !).

Une fille de ma classe arrive, elle marche avec le nez dans son bouquin tellement elle est concentrée dessus. Elle s’assoit devant et sort ses affaires pour le premier cours mais en se retournant elle me voit. Je la voie hésiter un peu avant de se lever et de se diriger vers moi. Ici, personne ne m’adresse la parole puisque je ne réponds jamais, elle doit le savoir alors pourquoi elle vient ?

Elle s’assoit sur le bureau juste devant moi et pose ses pieds sur la chaise parce que c’est connu que c’est dans ce sens qu’on s’assoit hein !

– Tu es au courant qu’on a un contrôle de maths demain ? Demande-t-elle avec l’espoir que je lui réponde. Mais évidemment, je ne lui dis rien. Je ne suis pas muet mais j’ai fait le choix de ne pas adresser la parole aux autres élèves.

Elle soupire face à mon manque de réponse mais insiste tout de même.

– J’ai du mal avec le dernier chapitre, tu pourrais me l’expliquer ?

Je la regarde comme si elle venait de mars. Elle est sérieuse, elle ? Je ne dis même pas bonjour et elle veut que je lui fasse un cours particuliers en express à l’improviste comme ça ! Dans quel monde elle vit ? Même dans ses rêves je lui ferais pas cours.

Loin de désespérer, elle continu à me parler sans attendre de réponse de ma part :

– J’ai une amie dans ton ancien lycée. Je sais que tu es un petit génie, et je sais aussi pourquoi tu ne veux pas parler aux autres. Je comprends que ma demande te saoul mais j’ai vraiment besoin de réussir ce test donc aide moi juste cette fois, ok ? Je te revaudrais ça après, tu pourras me demander ce que tu veux, s’il te plaît.

Je la regarde sans parler pendant un long moment. Dans ma tête, ça tourne à plein régime. Elle connaît mon passé. Ok, bon je lui réponds quoi maintenant ?

– J’ai pas besoin que tu me rendes un service en retour, je veux juste qu’on me foute la paix.

– Je sais Namjoon, t’inquiète je t’embêterais plus après. Réussir ce contrôle m’assurera une bonne place aux classements, je serais tranquille après alors aide moi juste cette fois.

– Pourquoi tu m’as dit que tu savais mon passé ? Tu as l’intention de t’en servir ?

– Non, je me fous de ton passé, soignons honnête. Je veux juste une bonne note, ok ? J’en ai juste parlé pour attirer ton attention. Vu que tu répondais pas, j’avais l’impression que tu n’écoutais même pas donc il fallait que j’attire ton attention.

Je soupirai d’agacement mais aussi de soulagement. Et ça me fais penser que vous ne savez pas de quoi parle cette fille, vous ne connaissez pas vraiment mon passé. Vous n’avez eu que quelques indices. Alors je vais vous donner une petite explication.

Je suis maintenant en terminal dans le second meilleur lycée de Séoul, j’ai été transféré dans ce lycée à la rentrée. Pourquoi je ne suis pas dans le meilleur lycée de la capitale si je suis un petit génie ? Vous vous posez la question ? Et bien je viens de quitter ce lycée, le pire lieu que la société ait pu créer. Ce lycée où les élèves ne pensent qu’à leurs notes et à être en tête de classement par tous les moyens.

Je suis donc dans un nouveau lycée depuis un mois, une école où personne ne me connaît (ou presque) et je fais tout pour que personne ne m’approche. Je ne veux pas faire semblant d’apprécier les gens qui se feront un plaisir par la suite de cracher sur mon dos.

Je me suis construit une routine rassurante où personne n’interfère dans ma vie, où personne ne peut savoir qui je suis, ce que je pense.

Dans mon ancien lycée, j’avais des soi-disant « amis » mais c’étaient juste un amas de mecs intéressés et jaloux, prêt à tout pour être premier du classement à ma place. Ils se faisaient la course pour me mettre des couteaux dans le dos, les chacals. Je ne veux donc plus montrer mes capacités et surtout laisser ses hypocrites avides de réussite m’approcher.

Je regarde à nouveau cette fille dont je ne connais même pas le nom :

– Ok, je vais t’aider mais c’est un secret entre nous. On fera ça en dehors du lycée et personne ne doit le savoir même pas ta mère. Je connais les bailles, tu parles à ta mère, elle en parle à sa pote au salon de coiffure, sa pote à un gosse de mon âge et elle va lui dire de prendre des cours de soutien en plus avec le petit génie et au final tout le monde viendra me faire chier.

Elle rigola mais accepta d’un hochement de tête. Comme je le disais tout à l’heure, les élèves qui rêvent du haut de classement sont des hypocrites dangereux et vicieux donc je fais pas confiance à cette fille. Je sors une feuille et y écrit toutes mes conditions pour cette unique leçon, je date, je signe et je lui tends la feuille.

– Signe ça, tu engages ta parole, c’est un contrat et tout contrat à une valeur légale donc tu as plutôt intérêt à respecter ta parole. J’hésiterais pas à te soutirer des dommages et intérêts auprès d’un tribunal sinon. Et puisque tu me connais, tu dois savoir que je bluffe pas, mes parents sont avocats, je connais le sujet.

Elle lit rapidement la feuille puis la signe, au dos de la feuille elle écrit son numéro de téléphone.

– Appelle-moi pour me dire où et quand tu me donnes le cours particuliers et merci Namjoon.

Après ça, elle retourne à sa place. Les élèves commencent à rentrer dans la classe, les cours vont bientôt commencer. Je sors le livre que Mr Kim m’a prêté hier et repris ma lecture au moment où la sonnerie retentit.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer